Et de mes ongles rougeoyants, je salis ces pages. Vous allez m'en vouloir, parce que rien n'est cohérent, tout est inventé. Parce que je prends un texte pour en créer un autre. Et tandis que mes yeux me brulent et qu'on m'arrache le cœur, je me débats dans l'inutilité de la continuité de notre relation.
Je lutte vainement contre ta présence.
Disparais de ma vie.Et tandis qu'on m'arrache les yeux et que mon cœur me brule, je retourne toutes les émotions qui me saccagent le bide pour essayer de les trier, moi, la chose brisée autant par l'ébriété dont je m'entiche avec amour et insistance que par ta maudite personne. Sans succès. Je vacille.
Qu'importe.
Disparais.
Donne autant de coups que tu veux, mais dégage.Ton corps sans envie se détache lentement du mur. Une larve, tu es une larve. Une belle larve désormais incapable de faire la différence entre l'horizontal et la verticale. Tu t'évertues à masquer tes cicatrices avec ces cachets bleutés, avec cette douceur qui chlingue l'alcool comme pas possible. Tu te rétames. Tu t'éclates sur le sol avec une grâce évidente et non dissimulée. C'est le grand huit, dans ta tête. Ça tourne, ça tourne, ça tourne. Ça tourne vite, ça souffle. Tes cheveux qui volent. Ton estomac qui se retourne.
Tu dégueules.
Toute cette merde que tu accumules depuis des mois. Tu étales tout sur les dalles. Tu disperse ta vie, ton désir, tes frustrations, ton plat du midi, celui de la veille à moitié digéré. Et tu chiales, et tu pleures. Et tu cries.
Soma. Où es-tu ? Kai, on aura qu'à dire que c'est mon nom comme Soma pourrait être le tien.
Tu dis que tu n'en avais pas, je t'en ai juste donné un.
Pourquoi tu me regardes comme ça ?
T'es une vraie carpe quand tu t'y met.Il frôle ton corps du bout des doigts.
On fait quoi maintenant ?Silence.
On recommence ?Tu attrapes ses cheveux teints en blanc, tu le plaques contre le matelas.
Noir.
5 MOIS EN ARRIERE.
Eh, Soma, tu m'aimes ?Tu rigoles, tu peux pas t'en empêcher.
Oui, c'est drôle.
Il te regarde bizarrement, affichant un air douloureux.
J'en sais rien, Kai.Et tu crois que... Ça nous mène où ?J'en sais rien, Kai.Toujours cette même réponse.
Et s’ensuit le silence pesant qui vous sépare habituellement.
Il se redresse alors brusquement, t’empoigne par les cheveux et te plaque contre le mur, face à celui-ci.
T'as même pas le temps de comprendre ce qu'il se passe.
Que...Violence. Comme tu aimes mais comme tu n'avoueras jamais. Il se penche sur toi, pauvre homme gémissant, mordille ton oreille.. Commence alors une séance de déshabillage. Les vêtements s’en vont, tes poignets se retrouvent au-dessus de ta tête, ses ongles qui s’enfoncent dans ta chair.
Et tu gémis.
Le doux parfum de la douleur se répand, il agrippe tes hanches, se colle contre toi.
Et tout recommence comme d'habitude. Son odeur se fraye un chemin, tu finis par apprécier. Caresses répétées, coups de bassin, tu griffes le mur, tu jouis. Incapable de te débattre. Complètement malade de lui. Tu le traites avec indifférence mais, au fond, t'as peur. Plus les jours passent, plus tu te dis qu'il faut partir, que ça devient dangereux. Tu t'attaches. Tu commences à t'attacher.
Et ça te fait vraiment, mais alors vraiment flipper.
COLLEGE #1.
Quand as-tu commencé à mentir, à te mentir ? Nul ne le sait.
Personne ne veut le savoir. Dans la cour du collège, tu cherches, tu survis. Caché dans les toilettes, tu t’inventes que ta mère est encore vivante et qu’elle ne t’a pas sorti cette fameuse phrase qui te suis partout. Tu fermes les yeux.
« Pleure, tu vas niquer la sécheresse. »
A treize ans, tu te dis que la pluie ne tombe pas. La cloche sonne, tu l’ignores. Le bruit des gens normaux s’estompe lentement après une dizaine de minutes. Tu chiales. Et soudain, ça s’agite. Les surveillants courent à droite, à gauche.
« Vous avez vu Zain Talingger ? »
Tu te recroquevilles, tu te caches. Tu ne veux pas les voir. Ils ne te rendront pas ta mère, tu le sais, alors qu’ils se taisent.
« Non, pas en cours, pas vu. »
Crevez. Vous me dégoûtez. Vous n’êtes que des menteurs.
Vous m'avez dit, vous, les adultes, que tout irait bien.
Hier, ils ont essayé de me frapper parce que je ressemblais à une fille.
J'ai mal à l’œil.
Vous n'êtes que des menteurs.
Et moi, je suis pire que vous.COLLEGE #2.
« Décidément, Monsieur Talingger, vous êtes un vrai problème. Vous savez ce que cela va vous coûter et surtout va NOUS coûter ? La personne à qui vous venez de casser le bras est le fils d’un ministre très réputé que vous connaissez certainement. »
Qu’est-ce que le fils d’un putain de ministre fout dans cette école moisie et surtout publique, hein ? J’en ai rien à foutre moi. Il m’a cherché.« Je crois que nous allons devoir sévir. »
Et alors ?« Je sais bien que vous êtes un enfant à problème, Monsieur Talingger, mais, si nous commençons à faire des exceptions, ça va mal se passer, vous comprenez ? »
Pourquoi tu détaches les mots, sale vieille peau hypocrite ? J’suis pas encore totalement débile, quoi que voir ta sale face de putain grille mes neurones.« Sur ce, vous êtes renvoyé pour violence aggravée. »
C’est ça. Va donc.LYCEE #1.
« Monsieur Talingger, [...] »
Cesse de m’appeler par ce nom indigeste.« [...] vous êtes bien différent de la description de votre dossier. Vous êtes, à l’intérieur, un élève peu attentif, violent, colérique, réservé et insolent. Pourtant, après notre petite discussion, vous n’en avez même pas les simples caractéristiques. Peut-être avez-vous compris la leçon, désormais. »
Grand bien me fasse, je suppose.« Par contre, votre silence m’exaspère un peu. Soit vous répondez par oui, soit par non. C’est à peine si je connais désormais le son de votre voix. Savez-vous que vous allez m’avoir sur le dos, désormais ? »
Pauvre idiote.Et tu gardes le silence, le visage impassible.
Une minute, puis deux. Cinq peut-être. Elle attend.
« Certes.. »
Encore une directrice chiante, encore une.MERDE.
Soirées étudiantes de merde.Un baiser alcoolisé. Je te pousse jusqu’au sofa, toi, le fantasme qui s’est incarné sous mes yeux pendant que je m’enfilais une bouteille. Pas moyen, j’y crois pas. La vodka doit me faire rêver. Rien à foutre, j’embrasse ton cou, je te déshabille sans la moindre gêne. Odeur enivrante, tu sens la vanille, j’ai envie de te croquer. Je m’exécute même. Mes dents entament légèrement ta peau douce pendant que tes mains se baladent sur mes hanches.
Gémissement douloureux et grisant.
C’est un commun accord, peut-être pas viril, mais sensuel et désireux.
On se frotte l’un à l’autre, les places qui s’inversent. On se ramasse contre le sol. On se griffe, on se mord, on se lèche et on se décore ; on se dévore. Tes mains contre les miennes, mon corps contre le tien. Juste comme ça. Parce qu’on en avait envie. On titube autant tous les deux, on marche pas droit. Complètement bourrés.
Tu as revendiqué un nom, je l’ai oublié.
Alors je te donne le nom de ma mère et je le crie, parce que tu me vends du rêve, parce que je grimpe aux rideaux et que je me sens bien. Parce que je me sens vivre contre ta peau humide. Parce que la chambre n’est pas assez grande pour nous deux, parce que la lune est ronde, parce que le lit grince, parce que jamais je n’avais ressenti ça, parce que j’ai encore envie de toi.
KAINE !Parce que je crois que je t’aime, même si je ne te connais pas.
2 MOIS EN ARRIÈRE
Le poing part tout seul, s'écrase contre sa joue.
Il tombe en arrière, tombe entre les vêtements et autre qui jonchent le sol de votre appartement.
Tu ne réagis pas, tu le fixes, tu fixes ta main ensanglantée où des bouts de verre se détachent lentement.
En te levant, tu as pris conscience que ça ne pouvait plus durer.
Les sorties entre amis, les gens, le vide, votre amour.
Conneries.
Tu as arrêté d'être Soma.
Tu as arrêté d'essayer de faire comme si tu étais vivant.
Alors pour le premier truc, la première connerie, tu t'énerves, tu cries.
Tu insultes, tu pestes, tu rages.
Et pourtant, quoi que tu fasses, tu en veux toujours plus, tu le veux, lui, en entier, avec ou sans morsures, avec ou sans griffures, avec ou sans amour-propre. C'est
Lui que tu veux.
Tu t'appelles Camille, tu t'appelles Sam, tu t'appelles Alexander, Versace, Guillaume, Gabriel.
Tu t'appelles Zain.
Et tes doigts posés sur son échine, tu t'inventes encore. Tu redeviens Soma.
...
Alors tu te redresses, lentement. Tu prends tes affaires. Tu ranges tout dans un sac. Et lui, il reste là, à te fixer entrain de te tuer à essayer de ne pas lui piquer les siennes pour garder son odeur. Tu jettes une fourchette, loin, tu jettes un paquet de chips. Tu fais le ménage à moitié. Tu récupères ce dont tu as besoin.
Et tu dégages.
DÉSORMAIS
Tu descend du bus, observant le bâtiment pendant quelques secondes.
Truc de riche. C'est tout ce qui te vient à l'esprit.
Et tu tentes d'oublier Soma, tu tentes d'oublier Kai.
Kaine peut-être.
Accueil, papiers administratifs, chambre attribuée.
Nouvelle vie.